La norme ISO 24495-1 (ça fait un peu personnage de Star Wars non ?)
Et aussi des sushis, des comités techniques, un appel à la communauté, de la pub pour une formation et la rentrée des avocats et une blague sur du fromage.
Bonjour,
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La pensée : je décrypte la nouvelle norme ISO sur le langage clair.
L’unique but de cette newsletter est de vous montrer à quel point j’ai bien travaillé pendant mes vacances.
L’unique but bis de cette news, c’est de vous faire découvrir la norme ISO sur le langage clair, de comprendre sa portée en matière de langage juridique.
Je ne vais pas décrire toute la norme par le menu ou en mettre la copie.
En effet, le business model de l’ISO, est de vendre ces petits documents à un prix exorbitant, pour, ensuite, vous faire signer de votre sang que vous vous interdisez de les reproduire.
Je vais donc en parler de manière générale (mais si vous le souhaitez, vous pouvez déjà en télécharger un extrait avec le lien ci-dessous).
Au préalable, une explication pour mon retard dans l’envoi de la news ce mois-ci.
Tout était quasiment prêt. Et j’ai été pris d’une fulgurance.
Interviewer les responsables de cette norme.
C’est comme ça que j’ai pu avoir un entretien avec Laurent Romary en direct du Japon (lui, pas moi).
Ses explications m’ont permis d’enrichir énormément cette newsletter. Merci à lui pour sa disponibilité et sa grande générosité.
Laurent est Directeur de la culture et de l’information scientifique à l’INRIA, mais surtout c’est la personne qui dirige le Comité technique 37 (“CT 37”) de l’ISO, branche responsable des normes en matières de langage et de technologies (terminologie, traduction, etc.).
A ce titre, l’ISO, c’est une grande maison qui produit des milliers de normes dans tous les domaines. Le travail se fait entre différents comités techniques (des “CT”) qui gèrent chacun un domaine.
“J’édite certaines normes, mais ma mission au sein de l’ISO c’est surtout de coordonner le travail des experts et d’évangéliser sur le rôle des normes”.
Ce que n’est pas la norme ISO 24495-1 “Langage clair et simple - Principes directeurs et lignes directrices”
Ce n’est pas un cours sur le langage clair.
N’attendez pas que ce document révolutionne votre monde avec des concepts nouveaux. C’est une norme qui fixe les points qui font consensus.
Si des points sont bateau, c’est normal, c’est voulu.
Ce n’est pas un document qui se veut exhaustif sur le langage clair.
Tout est dans le titre : “principes directeurs”.
Cette norme est le chapeau qui annonce des déclinaisons plus précises, par types de domaines.
L.R. : “Cette norme est une norme de fondation. Elle n’a pas vocation à être trop technique. Elle sera complétée par des normes plus précises, notamment la norme 24495-2 sur le langage juridique clair qui est en ce moment à l’étude.”
Ce n’est pas un document contraignant, mais…
L.R. : “la norme ISO fonctionne sur le principe de l’autorégulation : d’abord vous l’analysez pour la comprendre puis vous pouvez affirmer auprès de vos partenaires que vous la respectez. Dans les domaines techniques, vos partenaires vont partir du principe que c’est le cas. Vous n’avez pas intérêt à mentir car, sinon, cela va causer un dysfonctionnement et vous devrez leur rendre des comptes”.
Donc, dire que vous êtes “conforme ISO 24495-1”, c’est comme donner votre taille sur Tinder. Personne ne vient chez vous vérifier qu’elle est vraie. Mais si vous mentez, ça se verra au moment du premier rendez-vous.
Concrètement, en tant qu’avocat, vous pouvez dès maintenant affirmer dans vos devis que les documents que vous livrez sont conformes à la norme ISO 24495-1. Mais si l’un de vos clients récupère la norme et constate que ce n’est pas le cas, il pourrait tout à fait engager votre responsabilité contractuelle.
Comment la norme ISO 24495-1 va vous impacter
Vous êtes un service juridique ?
Votre direction pourrait exiger que vos équipes à l’appliquent dans les réponses qu’elles communiquent à leurs clients internes.
Vous êtes avocate ou avocat ?
Attendez-vous à ce que dans les appels d’offres, vos clients l’exigent comme une modalité du service que vous leur rendrez.
À ce titre, rendre un document conforme ISO, ça va au-delà du simple respect des conseils de rédaction. Il faut aussi documenter les recherches que l’on a faites sur son lecteur et son “contexte de lecture”, avant même de rédiger son document,
Pour tous les legal designers qui ne jurent que par les techniques de découverte utilisateur issue du design thinking, c’est du pain béni.
Ceux qui voyaient dans ces méthodes du bulshit de consultant vont devoir les pratiquer de manière scolaire s’ils veulent pouvoir proclamer que leurs écrits sont conformes ISO.
Vous rédigez des CGV, une politique de confidentialité ou un contrat cadre ?
Indiquez dessus que ce document respecte la norme ISO. En cas de litige devant le juge, cela contribuera à prouver son niveau de clarté ou orienter son interprétation.
Ce que contient la norme ISO 24495-1
Elle fait le taf et réaffirme les grands principes du langage clair :
Le langage clair n’est pas un langage simplifié. On ne perd pas d’info mais on le nettoie des tournures qui polluent le message.
Le langage clair varie d’un document à l’autre car il est adapté au destinataire (d’où l’étape des recherches préalables sur celui-ci).
Un document en langage clair n’est pas un document court, mais un document qu’on peut d’abord lire en diagonale.
Elle consolide les techniques largement diffusées ;
La conclusion, partout, tout le temps, c’est au début.
Le passif, c’est interdit.
Impliquez votre lecteur “vous, vôtre vos…” plutôt que de parler abstraitement.
Vivent les répétitions.
Elle contient des choses que j’applaudis :
Un document doit être utilisé par son destinataire.
Cette idée est plus profonde qu’il n’y paraît. Dans mes formations, je dis que tout document doit contenir un call to action. Beaucoup de consultations n’en ont pas et se contentent d’exposer le droit applicable, les risques. Or vous êtes là pour vendre un mode d’action à votre lecteur. C’est donc autour du call to action qu’on construit le plan du document.On dit parfois qu’il faut bannir les termes techniques. C’est faux.
La norme ISO donne à ce titre un conseil très mature : autorisez-vous un terme technique si vous savez que votre utilisateur, dans son contexte, le reconnaît et l’utilise.
Elle contient des choses qui me font grincer des dents :
Elle encourage à utiliser plusieurs niveaux de titres.
Je conseille de se contenter d’un niveau et, si l’on dépasse les 7 titres, de s’autoriser exceptionnellement un second niveau de titres purement intercalaires.N’inclure qu’une seule idée par phrase.
Essayez, votre style sera illisible.
Une idée, c’est un verbe conjugué et une phrase, même courte, peut en contenir jusqu’à deux (après, c’est un point, obligé).Utilisez les visuels pour “attirer l’attention”.
Non, non et non !!!
C’est mon point sensible. J’en parle dans ma précédente newsletter. L’image peut prendre 4 rôles et “attirer l’attention” n’en fait pas partie (ce serait le domaine de la mise en page voire des pictos à la rigueur).
Il vaut mieux se passer de visuel que de mal appliquer les règles de représentation visuelle de l’information. Si l’on veut normaliser ce domaine, il faut reprendre les travaux des experts en pédagogie sur l’alliance texte/image a été finement étudiée par les experts en pédagogie.
Ce qui nous attend : la future norme ISO 24495-2 sur la rédaction juridique.
La première des normes devant compléter les principes directeurs dont on vient de parler concerne justement le domaine juridique. Elle est en projet auprès de l’ISO et sa publication est prévue pour janvier 2025.
Pas besoin de vous faire un dessin pour vous dire que cette future norme va impacter la façon de travailler des avocats et des juristes, y compris en France.
Or aucun acteur français de la profession n’est impliqué dans ces travaux ! (CNB, Barreau, cabinet de premier plan, universitaire, etc.).
C’est l’association Clarity (https://www.clarity-international.net/), qui regroupe des juristes et avocats promoteurs du langage clair du monde entier, qui est à l’initiative de ce projet de norme.
En effet, l’ISO ne décide pas seule de produire des normes. L’ISO regroupe les organismes de normalisation nationaux tels que l’AFNOR pour la France, mais aussi des particuliers experts, des associations et institutions. Ce sont eux qui proposent des projets de normes et contribuent à leur rédaction.
L.R. : “Une proposition de norme ISO est poussée par une organisation liaison de l’ISO ou un Etat membre. Il n’y est donné suite que si le dossier de demande démontre que ce projet fait déjà l’objet d’un consensus.”
Impliquons-nous !
Y a le feu ! La norme vient d’entrer dans la phase projet : c’est dans les prochains mois que les experts peuvent présenter leurs observations. Organismes professionnels, avocats, juristes… Nous devons participer aux travaux sur cette norme.
“Le maître mot pour l’ISO, c’est le consensus. J’encourage fortement la communauté juridique à contribuer au travail en s’inscrivant sur le site de l’AFNOR”.
(Laurent Romary)
Comment faire ?
Consultez l’avancée des travaux sur cette norme sur le site Norminfo de l’Afnor (lien ci-dessous) et cliquez sur “Je veux en savoir plus”. Dans le formulaire, indiquez que vous souhaitez participer aux travaux.
Attention, participer aux travaux est en principe payant. Vous aurez tous les tarifs sur le site de l’AFNOR à la page “Intégrer une commission de normalisation”. Bonne nouvelle, si vous êtes une TPE/PME, c’est gratuit.
Consulter les tarifs pour participer : https://normalisation.afnor.org/nos-solutions/integrer-une-commission-de-normalisation/
Notez que si vous adhérez à l’AFNOR (à partir de 300 euros HT/an), vous bénéficiez d’une réduction. A réfléchir, ce n’est pas absurde que la profession participe à l’élaboration des normes en général.
Réclame ! 📣
Vous êtes avocat.e et une nouvelle comme la norme ISO 24495-1 sur le langage clair vous inspire des idées de nouveaux services ?
Venez me retrouver le 26 septembre pour creuser la question avec moi dans le cadre des université Side Quest.
J’ai concocté le best-off des conseils Legal Practice Management.
Au programme : ce qu’attendent les clients dans vos devis, comment enrichir vos offres avec des prestations inédites (et faisables) et comment s’organiser avec des process en interne.
Et si la moula, les thunes, les gwenneg, le gent-ar, ça vous intéresse, regardez les autres conférences, il y a des stars (des vraies) sur des sujets brûlants (des chauds bouillants).
Actualités : Vous faites la rentrée des avocats le 21 septembre ?
Moi, oui ! Retrouvons-nous au petit déjeuner déontologie et innovation pour parler ISO, mais aussi Modèles de langage, prompts, etc.
Au fait, je vous ai dit que Laurent Romary avait travaillé sur l’un des premiers modèles de langage français (à l’époque où ce n’était pas encore la mode).
Ils l’avaient appelé BERT…
BERT parce que CAMEN…
À dans un mois !
Merci de m’avoir lu ! C’était long, on fera plus court la prochaine fois.
Faites-moi vos retours dans les commentaires (surtout si vous avez compris la blague avec BERT).
Et dites-moi si vous voulez que je creuse des sujets. J’ai vu qu’il existait une norme AFNOR sur la gestion du risque juridique et j’ai bien envie de faire une thématique conseil…
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