Ne dites plus que vous faites des “Consultations”
Et aussi des palettes de couleurs, plein d’actus, des cadeaux et des modes d’emploi !
Bonjour,
Bienvenue dans cette 9ᵉ édition de ma newsletter dédiée au Legal Practice Management et au Legal Design. On a dépassé les 800 inscrites et inscrits ! Merci à vous de m’accorder ce temps de lecture.

Après vous avoir invité à arrêter d’utiliser des des “articles” pour structurer vos contrats (c’était ici si vous l’avez manqué), ce mois-ci, je remets en cause un autre monument moisi de notre profession : la consultation !
La pensée : Pourquoi le mot “consultation” est toxique, et pourquoi il est urgent de l’abandonner.
C’est l’une de mes obsessions, convaincre les avocats, et les juristes aussi, d’arrêter d’utiliser le terme « consultation ».
Idem pour « mémo », ou « note ».
Ces termes poussent à écrire de mauvais documents.
Combien de fois quand j’étais avocat, j’ai dit à un client “je vous fais une note”. Je croyais que c’était mon métier de faire des notes, des mémos. Je ne me rendais même pas compte que je forçais le client à s’adapter à mes formats préétablis, au lieu de les adapter à sa situation.
Mais c’est quoi une consultation ?
Quand j’interroge un avocat ou un juriste sur le sens qu’il donne à ce terme, la réponse est généralement : “donner à un client le droit applicable à une situation donnée”.
Si on part comme ça, on livre à son clients une dissertation de droit améliorée.
Or personne n’a envie de payer pour une dissertation, même bien rédigée, même avec une numérotation qui évite le I) A) 1) a) i), même avec des schémas ou des pictos.
C’est juste que si l’on part en se disant qu’on va “faire une consultation”, on se donne les moyens d’aboutir à un résultat à côté de la plaque par rapport aux attentes de son destinataire.
À quoi ça sert une consultation ?
Un peu de théorie.
La loi de 1971 octroie un monopole aux avocats sur la consultation juridique, mais ne la définit pas. La jurisprudence l’a fait en 2016, et CNB en a profité en 2020 pour donner sa propre définition :
« La consultation juridique consiste en une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit en vue, notamment, d’une éventuelle prise de décision ».
On ne va pas parler du mot “personnalisée” qui cristallise à lui seul le conflit sur les frontières du monopole d’avocat.
On va s’intéresser au rôle donné à la consultation et à sa forme.
Déjà, quant à la forme, vous remarquez un truc non ?
À aucun moment on ne parle d’écrit. La consultation n’a pas de format, ni de structure a priori.
Ça j’aime bien.
Quant au rôle donné à la consultation par cette définition, il est source d’erreurs.
En effet, pas mal d’avocats ou de juristes pensent qu’une décision pour un client, c’est choisir entre faire ou ne pas faire.
C’est très réducteur !
Suivant là où se trouve le client dans son parcours utilisateur (notion importante en Legal design), les décisions qu’il doit prendre varient.
Par exemple, suivant si le client est plus ou moins avancé dans un projet :
Étape 1 - Il ou elle veut juste confirmer s’il y a matière à se préoccuper d’un sujet ou non.
Étape 2 - Il ou elle veut savoir où se trouve le problème.
Étape 3 - Il ou elle veut disposer des solutions possibles et vérifier qu’elles valent le dérangement.
Étape 4 - Il ou elle veut mettre en place la solution retenue.
Parfois un client vous sollicite alors qu’il est en étape 4.
Parfois, il est moins avancé.
Bien sûr, à chaque étape, il ou elle doit prendre une “décision”, mais, on le voit, une consultation donnée sur l’étape 1 ne prendra pas la même forme qu’une consultation donnée sur l’étape 2, ou 3.
Pour trouver le bon format, remplacez le mot “consultation” par un mot tiré du quotidien.
Tout document est un outil. C’est un truc écrit qu’on adresse à un destinataire dans le seul but de lui faire faire quelque chose qu’on a identifié.
En design, ce quelque chose, on l’appelle le call to action, le fameux CTA. C’est un mot emprunté au webdesign qui est indispensable pour rédiger n’importe quel document.
C’est le call to action qui dicte la structure d’un document, car tout le contenu que l’on va écrire n’a vocation qu’à mener vers ce call to action.
Si le call to action change, le format du document, sa structure et son plan, changent.
Or si vous partez dans votre rédaction en vous contentant de dire que vous allez “faire une consultation”, vous passez à côté de l’occasion de formuler le call to action.
Vous allez inscrire ce que vous allez dire dans un format, au lieu d’adapter le format à ce que vous avez à dire.
Pour éviter cet écueil, la recette la plus simple et la plus efficace que j’ai découverte ces dernières années, c’est juste de se forcer de remplacer le terme « consultation » par un autre terme que l’on va tirer du langage de la vie de tous les jours, et qui désignera très simplement ce que l’on veut faire.
Je vais vous donner l’exemple de 5 termes qui fonctionnent très bien, chacun dictant une structure type.
La feuille de route de projets juridiques : quand le client a un pressenti, mais ne sait pas clairement ce qu’il veut.
L’étude de faisabilité de projets juridiques : quand il s’agit d’évaluer si ça vaut le coup d’y aller ou pas.
L’audit juridique : pour identifier s’il y a des problèmes.
Le diagnostic de problème juridique : pour proposer des solutions aux problèmes.
Le mode d’emploi de solution juridique : pour mettre en œuvre la solution retenue.

Il existe bien d’autres formats au-delà de ces 5 là ! L’argumentaire de persuasion juridique, le pitch de vente de solution juridique, etc.
Mais ces 5 termes tirés du quotidien sont les plus utiles pour commencer.
Pourquoi c’est efficace ?
Quand on se dit qu’on va fournir un diagnostic, ou un mode d’emploi, non seulement le mot embarque clairement le call to action, c'est-à-dire ce que va faire le document et ce qu’il ne va pas faire.
Ça permet de séquencer une prestation en livrables et ça facilite la relation client.
Surtout, et c’est ce qui nous intéresse, utiliser ces mots nous donne intuitivement le bon plan à appliquer.
Et ce plan ne sera jamais sur le modèle I) A) 1) a)...
Démonstration.
La feuille de route et l’étude de faisabilité d’un projet juridique.
La feuille de route cerne le projet, aide le client à découvrir ce qu’il doit vous demander comme prestations précises. Elle fixe la « vision » du projet et précise la répartition des rôles, le phasage et le process.
Par exemple, un client « qui vous consulte pour le rendre conforme à la loi sapin 2, conforme au RGPD » ou qui vous demande « de l’accompagner dans un projet de rachat des activités d’un concurrent », ou encore, de « l’aider à mettre à jour son règlement interne ».
C'est une manière de forcer le client à affiner son brief, c'est un document qui a une importance quasi contractuelle.
C’est pourquoi on peut tout à fait accompagner la feuille de route d’un devis, qu’on appellera « étude de faisabilité ». Le plan de cette étude de faisabilité est le phasage qu’on a décrit dans la feuille de route.
Vous savez d’expérience comment cadrer un projet. Mais comment structurer ce cadrage pour restituer un document facturable ?
J'utilise une pratique tirée du monde du consulting : la méthode QQOQCP : quoi, qui, ou, quand, comment, pourquoi.
Quoi ?, invite à se poser la question : que doit-on produire ?
Avec cette première question, on s’accorde sur le livrable final. C’est l’occasion d’utiliser la méthode Smart.Qui ? Invite à se poser la question des personnes à qui ces livrables sont destinés, de les cartographier, elles et leurs besoins.
Où ? Invite à se poser la question de où se situe le problème.
Quand ? C’est-à-dire à quel moment le problème paraît-il ? Sur quelle étape du projet se situe le problème de votre client ?
Comment ? C’est comment se manifeste le problème ? Combien coûtent-ils ? Quels types de risques implique-t-il ?
Pourquoi ? Cette dernière partie revient à se poser la question du but à atteindre avec la résolution du problème, de l’ambition du client.

Ces questions ont l’air très générales, mais elles sont une inspiration très efficace et permettent de s’assurer que l’on n’a rien oublié.
Enfin, la feuille de route se termine souvent par une étude de faisabilité. C’est la suite logique : c’est juste un devis en fait, mais avec du contenu juridique.
Et un bon devis, c’est un process qui découpe ce qu’il y a à faire en phases, on marque les étapes, on les identifie par un livrable et on fixe un prix.
Je ne vais pas décrire ma méthode de rédaction des devis “en mode livrables” ici, c’est un morceau en soi et j’y consacrerai une édition de la newsletter prochainement.
L’audit juridique
L’audit consiste à procéder à une batterie de tests sur des objets : les parties d’un document, ou un groupe de documents, ou des litiges, ou des partenaires.
On analyse chaque objet au regard d’une liste de critères.
Par exemple, pour un ensemble de contrats, ces critères peuvent être : les obligations classiques, les obligations supplémentaires, les modalités du prix, les conditions de résiliation, le renouvellement, les transferts de propriété intellectuelle, les éventuelles limitations de responsabilité, le traitement des données personnelles, l’encadrement des différends, etc.
Tout audit s’ouvre donc par un tableau, où l’on récapitule les trouvailles. Ensuite, Chaque objet analysé fait l’objet d’une partie et, dans chaque partie, on traite chacun des critères analysés, toujours dans le même ordre.

L’audit ne soigne rien, il constate. Il peut tout à fait démontrer qu’il n’y a aucun problème, rien à faire, que tout est au vert.
Si l’audit identifie un problème, il décrit le travail de diagnostic qu’il y aurait à faire, sans le mener. Ce n’est pas son rôle, c’est celui du diagnostic.
Le diagnostic de problèmes juridiques.
Le diagnostic prend la suite de l’audit et, sur les problèmes validés par le client, évalue leur gravité et la faisabilité des éventuelles solutions (sans les décrire).
L’intérêt d’utiliser le mot “diagnostic”, c’est qu’à la fois votre client et vous savez instinctivement ce qui doit y figurer ou pas. À l’image d’un diagnostic médical, on vous dit ce qui ne va pas et on vous propose des solutions entre lesquelles vous choisirez.
Dès lors que l’on appelle sa consultation « diagnostic », il est facile de trouver la bonne structure :
Objectifs
Contraintes
Solutions
Vous posez d’abord les objectifs.
C’est là où, concrètement, votre client veut être rendu une fois son problème réglé. Par exemple, avoir récupéré une somme d’argent, être propriétaire d’une activité, obtenir qu’une administration lui lâche la grappe.
Aux objectifs, vous reliez des contraintes. Par exemple, les risques d’illégalité, le risque qu’un tiers n’assigne, le risque qu’un concurrent copie, etc.
Aux contraintes, vous reliez des solutions.
Par exemple : modifier le modèle de contrat utilisé par les équipes, faire une formalité́, mettre en place un nouveau process, assigner, constituer un dossier au cas où, provisionner...

Soyez généreux dans l’exposé de la solution, mais n’oubliez pas qu’à ce stade, vous ne savez pas si le client va la valider ou pas. Ce n’est qu’une fois qu’il l’aura fait que vous lui expliquerez comment les mettre en place.
Le mode d’emploi de solution juridique
Le mode d’emploi part d’une solution validée par le client, notamment dans le diagnostic, et montre comment la mettre en œuvre.
Le Mode d’emploi répond à la question “comment faire pour... ?“
Il se structure comme un process : Étape 1, Étape 2, Étape 3… Chaque étape se présente sous la forme
Préalable
Qui
Quoi
Risques
Outils
Je vous renvoie à ma newsletter #3, « Soyez process » pour le contenu.

Il existe encore d’autres intitulés de documents beaucoup plus parlants qu’une consultation et dont la structure peut vous aider au quotidien (l’Argumentaire, le Pitch de projet, etc.).
En particulier, si vous fonctionnez exclusivement par mail, appelez les demandes clients des “tickets” (en référence avec le SAV informatique). La vertu de ce mot, c’est qu’il structure votre travail. Un ticket client, ça se qualifie (demande d’info, demande d’autorisation, besoin de process, demande d’outil, besoin de livrable). Surtout, un ticket, ça se résout (ce qui vous évite d’utiliser le mail comme un intrument de discussion, ce qu’il ne doit jamais être).
Bref, cette recette est imparable. Et je l’utilise quotidiennement dans mon métier de Legal designer pour identifier pour concevoir pour mes clients les modèle les plus faciles d’utilisation, quels que soient les supports.
Moralité : diversifions nos livrables.
Notre profession doit sortir de la gamme limitée des livrables qu’elle propose traditionnellement : mémo, consultation, contrat, courrier, conclusions, rendez-vous, ou plaidoiries.
Au lieu de parler d’une simple réunion, on parlera d’une cession de kick off. On peut proposer des ateliers pour définir la vision d’un dossier, ou d’une cartographie de litige, ou d’un pitch de validation.
Est-ce qu’il s’agit seulement d’habiller nos livrables de désignations bullshit pour faire genre ?
Non, car utiliser ces intitulés, ce n’est pas non plus se permettre tout et n’importe quoi.
Ces formats ne sont pas neufs : des dizaines de professions les utilisent. Ils ont une histoire, une logique et une structure qu’il faut connaître avant de les adapter au domaine juridique.
Mais dès qu’ils enrichissent votre savoir-faire, ils vous font gagner du temps et vous rendent plus prévisible pour les clients.
Car pour nos clients, c’est la “consultation”qui est une désignation bullshit.

Ah ! au fait… Adopter de nouveaux noms de livrables, avec des structures innovantes, ça n’est pas que pour le conseil et le BtoB. C’est très efficace dans le traitement de dossiers contentieux, même avec des particuliers !
Réclame ! 📣
Feuille de route, étude de faisabilité, audit, diagnostic, mode d’emploi. J’explore tous ces formats et bien d’autres, dans le détail et avec des exemples et je vous montre comment les vendre à vos clients dans ma formation e-learning Legal practice management.
Découvrez comment faire un SWOT sur un dossier, utiliser la méthode QQOQCP ou la méthode SMART, créer un “devis en mode livrable” ou concevoir un “atelier 360”.
Actualités
(Replay) Retrouvez mon passage dans l’émission #Savoir Être du 2 avril dernier
Martin Lacour, Xavier Frutton et Nadine Rey m’ont invité dans leur live LinkedIn. On a parlé une heure de sujets passionnants comme la facturation, les attentes clients et les MARD. Vous étiez 92 à avoir suivi l’émission en live, vous pouvez la retrouver en replay.
Lien : https://www.linkedin.com/events/7178813902632177665/about/
L’épisode 6 sur le Legal design de conclusions est sorti sur la chaîne Un Deux Droits.
Retrouvez mes échanges avec Thomas Courvalin sur la rédaction des conclusions. On part dans le détail et la technique, donc n’hésitez pas à revenir un peu en arrière, pour consulter les précédents épisodes si besoin (et profitez-en pour jeter un œil à ses vidéos, j’adore perso !).
Lien : https://youtu.be/1FxGPax6pBY
L’ami Michaël Bernard a sorti sa Masterclass Biz dev !
Pour avoir travaillé avec Michael depuis 3 ans et même profité de ses conseils pour mon activité, je vous la recommande vivement !
Et pour vous, chers lecteurs de cette newsletter, vous pouvez obtenir 10% de réduction sur votre inscription avec le code #TIPSLPM jusqu’à ce lundi 15 avril minuit ! (Je ne touche ni % ni avantage dans l’opération, c’est que du love).
Lien : https://michael-bernard-s-school1.teachable.com/courses/masterclass-biz-dev/lectures/52804992
Retrouvez-moi en Espagne le 29 mai !
Merci à l’ACE de m’inviter au Séminaire International – Alicante 2024 pour participer à la table ronde sur l’innovation juridique. Vous en faites partie ? On s’y retrouve pour des tapas ?
Lien : https://avocats-ace.fr/2024/03/22/https-kxo-solutions-com-app-public-ace-seminaire-alicante-2024/
On se retrouve dans un mois.
Que diriez-vous de reparler d’IA avec de nouveaux cas d’usages ?
Ou parler facturation ?
Ou continuer sur les formats de documents innovants ?
Dites-moi ce qui vous intéresse en commentaire…
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